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le charme de l’histoire

ment de la taxe il faisait plusieurs aumônes particulières, telles que 900 petits pains et la nourriture d’une pauvre femme ; mais qu’il avait dû cesser, faute de ressources, aussitôt que la taxe fut établie ». Beaucoup de contribuables se refusaient à payer leur cotisation. Le rôle comprenait toutes les familles présumées non indigentes, en sorte que les habitants étaient divisés en deux catégories tranchées : les imposés et les assistés ; quand on sortait de l’une, c’était pour entrer dans l’autre. Plus d’une fois il arriva que l’on fut forcé de secourir des malheureux que l’on avait commencé par poursuivre et que l’on avait ruinés en saisissant leurs biens pour le paiement de leur taxe.

Dans la vie, l’homme qui a l’imprudence de commettre un mensonge est forcé, pour le soutenir, de mentir encore, de mentir toujours. De même en politique et en administration, quand on commence à s’écarter de la vérité, quand on prétend substituer à la libre action des volontés individuelles les prescriptions arbitraires de l’autorité publique, il faut se résigner à une interminable série de prescriptions vexatoires, sans lesquelles la première mesure apparaît de suite inexécutable ou inefficace. Et plus on marche dans cette voie, plus les obstacles se multiplient, jusqu’au moment où l’on renonce à forcer la nature, et où l’on se résigne à laisser les faits économiques se produire avec liberté.