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le charme de l’histoire

ironie qu’il y en avait des milliers d’autres, aussi bien connus de lui que ceux qu’on lui désignait, et qu’il était <le bonne politique de ne pas les inquiéter[1]. Quand les supplices prescrits par Philippe avaient soulevé une révolte populaire, comme à Valenciennes, et que Philippe voulait des coupables et des échafauds, il conseillait de ne pas donner prétexte à de nouveaux troubles par une sévérité inopportune. Alors qu’en Espagne le duc d’Albe, conseiller favori du roi, rendu « frénétique » par le langage des seigneurs Flamands, s’écriait qu’« il fallait dissimuler avec eux jusqu’à ce qu’on pût leur faire couper la tête[2] », Granvelle engageait le roi à les ramener en ayant égard dans une certaine mesure à leurs réclamations, à gagner leur affection par des honneurs et <les libéralités, au lieu de les pousser à bout par des violences inutiles. « Ce qui s’établira par la douceur et la clémence, écrivait-il, sera plus durable » … « Répandre le sang de ses sujets, c’est s’affaiblir soi-même[3] ». Toujours loyal avec ses adversaires, il leur rendait justice, même quand ceux-ci le calomniaient dans leurs pamphlets ; même quand ils le faisaient menacer de mort ; même quand plus tard ils le poursuivirent dans sa retraite par des injures et des railleries douloureuses

  1. Lettres des 6 octobre 1562 et 17 juin 1563.
  2. Lettre du 21 octobre 1563.
  3. Lettres des 15 septembre 1566, 14 mars et 12 novembre 1567.