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denys cochin

jamais occupés que d’eux-mêmes, n’est-ce pas le bonheur ? Et ces dames émues qui venaient de lui donner leur or et leurs bracelets pour ses pauvres, est-ce qu’elles aussi, pendant cet instant, n’avaient pas été heureuses ?

Ecoutez encore. J’ai prononcé tout à l’heure le nom de Mme Iillet, cette femme intelligente et dévouée qui partagea avec Denys Cochin l’honneur d’organiser les premières Salles d’asile, et qui désormais se voua comme lui à cette œuvre. Un jour elle était en omnibus, courant d’un de ses établissements à l’autre. Un voisin la reconnaît, s’informe de sa santé, des nouvelles de sa famille, puis, continuant la conversation, il lui demande combien elle a d’enfants. — « Justement, répond-elle, j’ai fait mon compte ce matin : j’en ai 3,600 ! » Comme son interlocuteur, elle suivait sa pensée, et sa pensée était toute aux pauvres petits enfants que les Salles d’asile préservaient de l’abandon et de la misère ! Dans ce mot encore ne devinez-vous pas le bonheur ? Que nous cherchions le bonheur dans l’affection ou dans le dévouement, nous ne le trouverons, croyez-le, que dans ce qui nous arrache à nous-mêmes.

J’ai puisé ces deux anecdotes et la plupart des traits que je vous ai cités sur Denys Cochin dans un livre de notre confrère, M. Émile Gassot, qui semble avoir pris à tâche d’étudier les institutions