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denys cochin

mendiant pour ne pas mourir de faim. Était-ce par l’aumône, était-ce même par l’assistance en travail que l’on pouvait porter remède à de semblables misères, préserver ces pauvres petits et donner à leur père la sécurité ? Combien d’enfants dans la classe ouvrière sont ainsi, suivant l’expression d’un rapport américain, « enfermés dans le logis en hiver, enfermés hors du logis en été », toujours exposés à mille périls, et souvent, par leur seule présence, condamnant leurs parents à la douloureuse nécessité de solliciter ou tout au moins de subir l’aumône !

Cochin n’était pas homme à se contenter de gémir sur le mal ; il chercha le remède ; il voulut l’appliquer lui-même. Il loua deux chambres rue des Gobelins (1826) ; il y réunit quelques petits enfants livrés à eux-mêmes comme ceux qu’il avait vus au Luxembourg, puis il vint chaque jour passer plusieurs heures au milieu d’eux, surveillant les soins qu’il leur faisait donner, et cherchant pour eux une méthode appropriée à leur âge. Quelques exercices pour satisfaire leur besoin de mouvement ; des leçons de choses pour éveiller leur attention sans la fatiguer ; quelques prières pour développer dans leur âme l’instinct du bien et pour donner une base à la morale ; voilà ce qu’il établit dans son essai d’asile, ce qui fait encore aujourd’hui le fond de tous les systèmes inspirés par l’étude éclairée de la pédagogie.