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denys cochin

douleurs, comme les grandes joies, ouvrent le cœur à la compassion ; mais les bonheurs sont trop courts pour laisser une empreinte profonde ; les peines durent plus longtemps, et ce sont elles qui inspirent les longs dévouements. Cochin sentit que son deuil durerait toute sa vie, et, renonçant à sa carrière, il se voua désormais à l’amélioration du sort des classes déshéritées, de celles pour qui la vie est matériellement si difficile, et qui ont besoin d’être aidées par les classes déjà parvenues à l’instruction et à l’aisance. Les pauvres, et parmi les pauvres les enfants, voilà quels furent dès lors les objets de sa sollicitude.

Mais il ne tarda pas à comprendre que le meilleur moyen d’assister les pauvres n’est pas d’attendre qu’ils soient tombés dans la misère. Membre du bureau de bienfaisance de l’arrondissement de Paris qui à cette époque comptait le plus grand nombre d’indigents, l’arrondissement des Gobelins, il constata l’inefficacité et le danger des secours tels que les distribuent trop souvent la routine inintelligente et l’indifférence lassée. « Il faut, disait-il, guérir la pauvreté comme on guérit la maladie, et non pas l’entretenir comme un état permanent par une alimentation périodique et imprudemment accordée… Les distributions d’aumônes sans condition de travail peuvent devenir de tous les secours les plus corrupteurs, les