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la rochefoucauld et la comtesse diane

Les pensées sur la clémence des princes (15 et 16), sur la confiance des grands (239), sur la magnanimité (248, 285), sur la gloire (268, 272), sur la générosité, qui n’est qu’une ambition déguisée (246), sur l’air bourgeois, qui se perd quelquefois à l’armée, et jamais à la Cour (393), etc., etc., se rapportent aussi à un état social qui est bien loin de nous, et nous rappellent ce qu’était La Rochefoucauld. Les grands formaient alors une classe à part ; Pascal, La Bruyère, Massillon, composaient des discours, des chapitres, des sermons sur les grands. La Rochefoucauld, qui était parmi les grands l’un des plus élevés par la naissance et par l’illustration personnelle, vivait à la Cour au milieu d’eux, ne voyait qu’eux, n’écrivait que pour eux. Il ne songeait pas à ce que nous nommerions aujourd’hui le public, mais uniquement à ce petit groupe d’hommes de haut rang, de femmes élégantes et spirituelles dont les jugements et les manières s’imposaient au reste de la nation. Peut-être même est-ce parce qu’il n’a pas observé d’autre modèle qu’il a été entraîné à exagérer le rôle de la vanité dans les mouvements du cœur humain. S’il avait étudié la généralité des hommes, il aurait reconnu que l’amour de soi, qui sans doute est pour tous le grand mobile, ne prend pas chez tons la même forme ; peut-être est-ce surtout dans les classes élevée que l’amour-propre (dans le sens moderne