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la rochefoucauld et la comtesse diane

grandes affaires ; nous dirions aujourd’hui la politique. Laissant de côté ces questions redoutables où les personnes tiennent plus de place que les principes, et détournant ses yeux de nos querelles et de nos intrigues, elle se contente d’observer dans les salons la comédie mondaine qui se joue autour d’elle, et de démasquer avec finesse les mobiles secrets derrière les prétextes par lesquels nous cherchons à tromper les autres et nous parvenons quelquefois à nous tromper nous-mêmes. Un jour cependant le tonnerre gronde et lui révèle qu’au-delà de la famille et des amis il y a la France ; que la patrie n’est pas un mot vague et banal, mais une réalité vivante et saignante. Alors entre une gracieuse définition du tact : « Le tact, c’est le bon goût dans les actions » (115), et une réflexion mélancolique sur le bonheur : « Nous n’avons de bonheur certain que celui que nous croyons donner » (114), elle écrit ces lignes douloureuses : « Le cœur ne connaît pas toutes ses tendresses ; c’est le malheur de la patrie qui nous révèle combien elle nous est chère » (115).

La Rochefoucauld, au contraire, l’homme aux grandes ambitions, le politique sans cesse préoccupé des affaires publiques, n’a pas un mot sur la patrie. Qu’était-ce, de son temps, que la patrie, et où était-elle ? Dans l’armée de Turenne ou dans l’année de Condé ? Avec les Princes ou avec Mazarin ? Il y avait