Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
granvelle aux pays-bas

indolente et sobre, regardant le travail comme une œuvre servile, et uniquement occupée de la guerre, avait le plus profond dédain pour ces Flamands à la fois industrieux et intempérants, qui poursuivaient la richesse par un labeur acharné, et qui, pour se délasser, s’enivraient de vin, de bière et de bonne chère. Ceux-ci, de leur côté, aussi braves que leurs rivaux quand il s’agissait de défendre chez eux leurs droits menacés, mais ne se plaisant pas à guerroyer, éprouvant le besoin d’être libres plutôt que celui de peser sur la liberté des autres, chez qui régnait la prépondérance du travail sur la guerre, de la richesse sur les armes, rendaient aux Espagnols dédain pour dédain.

Les Flamands auraient voulu que leur pays, sous la suzeraineté du roi d’Espagne, fût une sorte de République, où le roi n’aurait eu qu’un pouvoir nominal. Philippe, au contraire, souverain absolu en Espagne, s’irritait de ne pas l’être également en Flandre, et de sentir dans ce pays dont Dieu l’avait fait souverain, son pouvoir limité par la fierté hautaine des seigneurs et par l’indépendance narquoise des marchands.

La question religieuse, qui, pour Philippe, se confondait avec la question politique, était une autre cause de mésintelligence. La Réforme venait de poser dans toute l’Europe le terrible problème de la liberté de conscience, et ce problème était