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le charme de l’histoire

la laissait gérer elle-même ses affaires intérieures, elle gouvernait, elle évitait d’administrer.

Or, parmi les privilèges des provinces flamandes, il y en avait un qui était inscrit dans toutes leurs Chartes et que les Flamands regardaient comme la garantie de tous les autres : le souverain s’interdisait de choisir pour ministres des étrangers, d’entretenir dans le pays des troupes étrangères. Les Flamands, « bons sujets, mais mauvais esclaves », suivant l’expression de Voltaire, entendaient n’être gouvernés, administrés et gardés que par des Flamands. Ce privilège, précieux en tout temps, venait de prendre une importance capitale. À Charles-Quint, Flamand par la naissance, l’éduca­tion, les goûts, succédait un prince né et élevé en Espagne, qui avait toutes les idées, toutes les passions, tous les préjugés des Espagnols ; pour qui, disait un ambassadeur Vénitien, « rien n’était bien dit, bien fait ou bien pensé, qui ne fût en espagnol ou d’un espagnol ». La différence des mœurs et des caractères, des qualités comme des défauts, différence qui allait jusqu’au contraste, avait fait naître une antipathie profonde entre les Espagnols et les Flamands, surtout depuis que les deux pays, se trouvant soumis aux mêmes maîtres, étaient en contact plus immédiat et plus incessant. Les hommes sont presque toujours portés à mépriser ce qui ne leur ressemble pas. La noblesse espagnole,