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le charme de l’histoire

ses contemporains ont donné pour devise ces vers :


« Pour mériter son cœur, pour plaire à ses beaux yeux,
J’ai fait la guerre aux Rois, je l’aurais faite aux Dieux ».


Quel amoureux aujourd’hui oserait tenir un langage qui pouvait paraître charmant alors parce qu’il était vrai, qui serait ridicule maintenant, tant il formerait dissonance avec nos mœurs ?

La galanterie, que Montesquieu a si bien définie en disant : « Elle n’est point l’amour, mais le délicat, mais le léger, mais le perpétuel mensonge de l’amour » (Esprit des Lois, XXVIII, 22) ; la galanterie a sa grâce puisqu’elle peut inspirer le dévouement jusqu’à la mort ; mais elle l’inspire par genre, par mode, et non par affection. Si elle a trop la conscience de sa fragilité pour donner le bonheur, elle peut cependant, dans une société polie et raffinée, donner, avec l’illusion de l’amour, un plaisir élégant et délicat ; mais bientôt elle dégénère ; elle fait place à ce qui ne se nomme l’amour que dans les salons et les ruelles, à la galanterie banale et basse, recherche vaniteuse et sensuelle du commerce amoureux, qui n’est même plus l’illusion de l’amour, qui en est le mensonge et le plus grand ennemi ». « Cette piperie, dit Montaigne, rejaillit sur celui qui la fait ; il ne lui couste guère, mais il n’acquiert aussi rien qui vaille » (livre III, chapitre III).