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le charme de l’histoire

Cette période de l’histoire des Pays-Bas est la première phase de la longue lutte qui s’engagea entre Philippe II et les Flandres, et qui, après avoir fait couler des torrents de sang, aboutit à l’affran­chissement des sept provinces du Nord. Les Flamands n’étaient pas encore des rebelles ; ils ne songeaient nullement à secouer la domination du roi d’Espagne. Mais ils exigeaient que Philippe respectât ce qu’ils appelaient leurs privilèges, ces Chartes que ses prédécesseurs avaient accordées à leurs pères, et dont lui-même, avant et après son avènement, avait deux fois juré le maintien. Aujourd’hui notre esprit se révolte à la pensée qu’une province, c’est-à-dire une population vivante et frémissante, puisse être possédée, comme une terre ou un bois, par un maître qui l’exploite à son profit et à son gré. Au xvie siècle, c’était encore là le droit commun. La souveraineté était considérée comme une sorte de propriété, et elle était régie par les mêmes lois ; les provinces, comme les domaines privés, étaient des héritages, dont le sort était réglé par le hasard des mariages, des successions et des échanges. Le roi d’Espagne ou le duc de Bourgogne devenait tout à coup souverain des Flandres et préposait à la garde de ces provinces, comme il l’eût fait pour un domaine éloigné, son plus proche parent, légitime ou bâtard, personnage sacré, puisque le sang royal coulait dans ses veines ;