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le charme de l’histoire

pour ce que nous appellerions aujourd’hui la fortune.

Nous ferons d’abord une observation sur cette expression elle-même : la fortune. La Rochefoucauld, qui l’emploie très souvent, ne lui donne jamais le sens de richesse. Il la prend parfois dans son acception propre, les hasards de la vie : « La nature fait le mérite et la fortune le met en œuvre » (153)[1]. Parfois aussi il s’en sert pour désigner les biens que la destinée accorde à un homme ; mais alors ce n’est pas, comme nous, à l’argent qu’il pense : « La fortune fait paraître nos vertus et nos vices, comme la lumière fait paraître les objets » (380). — « La plupart des gens ne jugent les hommes que par la vogue qu’ils ont ou par leur fortune » (212). — « L’amour de la gloire, la crainte de la honte, le dessein de faire fortune, le désir de rendre notre vie commode et agréable, et l’envie d’abaisser les autres, sont souvent les causes de cette valeur si célèbre parmi les hommes » (213). Dans aucune de ces maximes, La Rochefoucauld n’a voulu parler de la richesse, n’a entendu faire allusion au pouvoir magique de l’argent, au désir de s’enrichir.

Une des plus jolies fables de Lafontaine nous présente aussi deux personnages qui, entraînés

  1. Voir aussi 1, 45, 47, 53, 57, 58, 60, 61, 154, 309, 323, 343, 344, 380, 391, 392, 399, 403, 435, 449, etc.