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le charme de l’histoire

vient ; c’est pour raisonner avec ses jeunes lecteurs, pour leur expliquer finement le sens vrai caché derrière la fable.

De même que les anciens avaient divinisé les forces de la nature, les premiers auteurs de ces contes ont, en quelque sorte, divinisé, en les attribuant aux fées, les phénomènes de l’ordre moral. Voyez le joli conte intitulé : Les Fées, où Perrault nous montre deux sœurs, l’une douce et gracieuse, l’autre revêche et brutale, qui reçoivent d’une fée le don de laisser échapper, à chaque parole qu’elles prononcent, la première des fleurs et des perles, la seconde des vipères et des crapauds. Est-ce dans les contes de fées seulement que l’on rencontre des êtres si heureusement doués qu’ils semblent, quand ils nous adressent la parole, nous offrir une perle ou une fleur ? Ils ont le charme et la grâce, ces dons que Dieu accorde à ses élus dès le berceau, comme le faisaient les fées, et que, s’il nous les a refusés, tous nos efforts seraient impuissants à conquérir : dons vraiment magiques, puisque pour les nommer, la langue française a dû emprunter deux mots à l’ordre surnaturel. On ne peut définir le charme et la grâce, pas plus que l’on ne pourrait analyser la différence insaisissable qui sépare un tableau de Raphaël de sa copie ; mais on sent du moins qu’ils dérivent de ce qu’il y a de plus intime en nous, de notre âme. Ce qui inspire la sympathie