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le charme de l’histoire

hommes et celui des rois. Il savait qu’en ce monde, paraître quelque chose est encore le plus sûr moyen d’être traité comme quelqu’un. Le roi aurait-il interrompu sa chasse pour repêcher un meunier ? Lui aurait-il fait donner des habits, s’il avait su que le pauvre diable n’en avait pas ?

Le dernier trait du conte est adorable. « Le chat, dit Perrault, devint grand seigneur et ne courut plus les souris que pour se divertir ». Il faut bien que le chat partage les goûts de ceux dont il est devenu l’égal ou du moins le commensal. Or, le plaisir favori des rois et des grands était alors la chasse ; le chat se divertira donc à chasser. Mais comme au fond il est resté chat, il ne chassera pas le cerf ; ce sont les souris qu’il voudra courir ! Tout grand seigneur qu’il est, il n’est encore qu’un parvenu ; il fallait, disait-on alors, au moins quatre générations pour faire un gentilhomme ; là encore, le conte est dans la vérité historique.


Un trait commun à tous les contes recueillis par Perrault témoigne de leur très haute antiquité : Jamais il n’y est question de Dieu, pas plus du reste qu’il n’y est question du diable. Cependant, par sa nature, le conte de fées ne semble pas devoir exclure nécessairement la divinité. On comprendrait très bien, au contraire, Dieu et les fées intervenant ensemble dans le récit, et certaines légendes en