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les contes de perrault

a parlé au prophète ? Personne donc ne doute que le chat ait parlé. Il y a des choses que Perrault se croit obligé d’expliquer ; ce sont les choses naturelles, parce qu’elles auraient pu tourner autrement ; mais quant au merveilleux, son rôle est précisé­ment de se produire au moment où les circonstances l’exigent, pour apporter la solution appelée par les vœux du lecteur.

Avec son sac et ses bottes, le chat se met en campagne. Par quelques petits présents il se fait bien venir du roi et de la belle princesse, fille du roi ; puis il leur présente son maître. Comment le présentera-t-il ? En costume de meunier ? Oh ! non ! Il l’envoie se baigner à la rivière. Au bain, le pauvre et le riche, le gentilhomme et le paysan ne diffèrent pas sensiblement l’un de l’autre, et, pourvu que le meunier soit jeune et bien fait, il peut prévenir en sa faveur. C’est dans le même appareil que jadis Ulysse aborda la belle Nausicaa, qui, elle aussi, était fille d’un roi, et qui prit Ulysse pour un dieu. Les contes de Perrault reportent à chaque instant notre souvenir vers Homère. Ces épopées sublimes, qui depuis trois mille ans enchantent les hommes, ne seraient-elles que de beaux contes de fées racontés par un poète ?

Le chat avait eu soin de dire au roi que son maître était un marquis très riche. Ce chat était un profond philosophe ; il connaissait le cœur des