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les contes de perrault

nulle part » ! C’est une erreur ; le bonheur, jamais nous ne le saisissons, mais nous le voyons toujours. Quand nous pensons à nous, nous le voyons dans nos rêves ; quand nous jetons notre regard sur les autres, nous croyons le découvrir dans leur destinée. Nous le croyons surtout quand ils ont reçu en partage ces biens terrestres si enviés par ceux qui les ignorent qu’ils appellent ceux qui les possèdent « les heureux de la terre» ! Un conte, c’est un songe qu’on se plaît à faire tout éveillé. On tient à y rencontrer des êtres heureux, qu’on aime précisément à cause du bonheur qu’on leur attribue. Ce bonheur, on le partage avec eux, on le vit en eux, et pendant que dure le récit, on oublie sa propre misère.

Les contes populaires sont la revanche des-petits sur les grands. La famille du Petit Poucet est sauvée par cet enfant chétif, « le souffre-douleur de la maison, à qui ses parents donnaient toujours le tort n. Le maître du Chat botté va être sauvé par son chat. C’est un meunier, un fils du peuple ; mais, vis-à-vis du chat, il est le maître ; il est le patron ; cela suffit pour que, dans le conte, il n’ait pas le beau rôle.

Il ne possède au monde que son chat, et, pour l’utiliser, il ne lui vient pas à l’esprit une autre idée que celle de le manger et de se faire un manchon de sa peau. C’est un égoïste ; c’est de plus un maladroit, qui ne se tirerait jamais d’affaire sans