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le charme de l’histoire

moins aussi vraie que l’histoire de Pharamond, et elle nous aide mieux à nous figurer les Gallo-Romains et les Barbares du ve siècle. Quel est l’historien qui, prétendant nous faire connaitre un pays, négligerait ses légendes ?


Si les légendes imaginées par un peuple pour poétiser ses origines et son histoire révèlent ses rêves et son idéal, les contes qu’il invente pour amuser ses veilles font apparaître ses habitudes, ses mobiles, sa morale. L’homme a besoin du surnaturel à cause du mystère impénétrable dont l’univers est enveloppé ; le surnaturel est l’explication qu’il se donne à lui-même des phénomènes dont il ne discerne pas la cause. Or, la légende, c’est le surnaturel auquel il croit ; le conte, le merveilleux, c’est le surnaturel factice, celui que l’homme, en le créant, sait n’être que le produit de son imagination. Comme il veut pourtant y croire un peu, il tient à y trouver, mêlés aux détails fantastiques qui l’émeuvent, des détails vrais, puisés dans la vie réelle, conformes à ses mœurs et à son état social. Ce procédé est toujours employé, instinctivement, par les peuples enfants quand ils imaginent les contes ou quand ils les transforment afin de les rapprocher de leur vie nouvelle, avec réflexion par les artistes et les lettrés qui, bien longtemps après, les recueillent pour les représenter ou les écrire. C’est ainsi que dans les