Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
le charme de l’histoire

vernement c’est de le faire aimer, de donner une satisfaction équitable aux divers intérêts que l’administration a pour mission de concilier. M. Thuillier, d’ailleurs, aurait sans doute considéré comme peu utilement employé le temps qu’il aurait passé à nos séances. Habitué à expédier rapidement les affaires d’intérêt privé ou de simple administration qui ne présentaient pas un intérêt politique, il jugeait d’ordre inférieur notre rôle. Nous étions chargés, semblait-il croire, de mettre en harmonie avec la lettre de la loi et avec les scrupules de la jurisprudence la forme des décisions que l’autorité administrative jugeait utile de prendre. C’était une besogne de metteurs en page, de correcteurs d’épreuves, qui ne méritait pas l’attention d’un personnage, capable de s’élever à l’appréciation de la portée politique d’une mesure. Quelques semaines plus tard, il fut nommé président de notre section ; le jour où il vint prendre possession de son fauteuil, lorsqu’il apprit que nous avions deux séances par semaines, il s’écria, d’un ton de surprise et de commisération : « Hé ! mon Dieu ! qu’en pouvez-vous faire ? » Il ne connaissait aucun de nous, du moins aucun des rapporteur, et quand on lui dit que le maître des requêtes chargé du rapport avait l’intention de combattre le projet, cette opposition lui parut une inconvenance aussi déplacée qu’imprévue, et il l’attribua à un esprit d’hostilité systé-