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le grand orient

que manifestait la Société de Saint-Vincent-de-Paul. En accédant au désir du Maréchal, il trouvait le moyen de faire échec à la Société Catholique, et en même temps de confisquer, — du moins il s’en flattait, — la Franc-Maçonnerie.

Mais ce n’était pas tout que d’envoyer au Conseil d’État un projet de décret portant reconnaissance du Grand Orient comme établissement d’utilité publique : il fallait encore obtenir que ce décret fût favorablement accueilli par le Conseil. Le Conseil d’État du second Empire était sans doute très gouvernemental, mais il était aussi fort indépendant. Parmi ses membres, plusieurs étaient animés de sentiments profondément religieux, et l’on devait s’attendre à ce qu’ils fussent peu favorables au projet.

Le catholique M. Cornudet, le protestant M. Léon de Bussières étaient les hommes les plus respectés du Conseil : leur caractère, l’élévation de leur pensée et de leurs sentiments, leur talent de parole leur donnaient à juste titre une grande autorité sur leurs collègues. L’un et l’autre étaient dévoués à l’Empire qu’ils considéraient comme le défenseur de l’ordre social, mais ils avaient prouvé qu’ils n’hésitaient pas à combattre les mesures que leur conscience condamnait. On pouvait donc prévoir une contradiction sérieuse. Aussi eût-il été naturel, à cause de l’importance exceptionnelle de l’affaire, d’en confier