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le grand orient

vieillards, surtout ceux qui ont été des hommes d’action, aient la tentation d’écrire leurs mémoires ! Raconter sa vie, c’est se donner l’illusion d’agir encore.

Peut-être d’ailleurs viendra-t-il un jour où il ne sera pas hors de propos de rappeler la question dont le Conseil d’État a été saisi en 1863 et les incidents auxquels elle a donné lieu au sein de cette assemblée.

En 1861, la Franc-Maçonnerie avait traversé une crise. Le prince Murat, qui en avait été élu Grand Maître sept ans auparavant, arrivait au terme de son mandat. Il venait de voter au Sénat pour le maintien du pouvoir temporel du Pape, et ce vote avait irrité contre lui un certain nombre de Francs-Maçons. Les mécontents cherchèrent à lui opposer un concurrent. Afin de rester dans les traditions de la Franc-Maçonnerie, qui, pour prouver qu’elle n’était pas un danger politique et pour donner au pouvoir l’illusion d’une garantie, choisissait volontiers comme porte-drapeau un membre de la famille régnante, ils s’adressèrent au Prince Napoléon, qui, lui, avait voté contre le pouvoir temporel. Le Prince commença par refuser ; puis il consentit à se laisser porter contre son cousin. L’élection devait avoir lieu pendant la session annuelle de l’Assemblée législative maçonnique, rue Cadet. Dès la première séance, des incidents fâcheux, des violences même, dit-on, éclatèrent entre les partisans des deux princes