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treilhard

animé et vivant ; il dépeint Treilhard, « le plus nerveux dialecticien du Conseil », qui ne cédait jamais quand il défendait les conquêtes de la Révolution. Napoléon l’estimait pour sa ténacité même et acceptait volontiers de lui la contradiction ; il aimait à s’escrimer contre ce logicien opiniâtre, cet athlète intrépide qui ne lâchait pas son adversaire impérial, et il disait familièrement qu’une victoire remportée sur Treilhard lui coûtait plus de peine que le gain d’une bataille ».

C’est une étude intéressante que de rapprocher des premiers travaux de Treilhard à l’Assemblée constituante, les exposés des motifs qu’il rédigea au Conseil d’État sur les titres les plus importants du Code civil, sur le Code de procédure, le Code de commerce, le Code d’instruction criminelle et le Code pénal. En 1789, habitué comme la plupart de es collègues à agiter des idées plus qu’à compter avec les faits, il est plein d’illusions ; il promet la concorde universelle ; il semble convaincu que pour ramener l’âge d’or, il suffira de faire disparaître quelques abus et d’édicter quelques lois inspirées par des théories philosophiques. Au Conseil d’État, mûri par l’expérience des affaires publiques, il tient un tout autre langage ; il ne prétend plus modeler la Société sur un idéal entrevu dans un rêve ; il observe les faits, et il essaie d’adapter les lois aux idées et aux mœurs du pays qu’elles doivent régir.