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treilhard

Le Parlement de Paris était entré en lutte avec la couronne ; il avait refusé d’enregistrer des édits impopulaires ; il avait rendu des arrêts qui avaient déplu aux ministres. Le chancelier Maupeou, ne pouvant vaincre la résistance des magistrats, les arracha à leurs sièges et leur donna des successeurs qu’il espérait trouver plus complaisants. Ces procédés n’étaient pas sans exemple sous l’ancien régime ; cette fois ils soulevèrent l’opinion publique. Le barreau de Paris prit fait et cause pour la magistrature ; il sentit que la première condition pour juger avec impartialité, c’est de juger avec indépendance, et que la justice est atteinte quand les juges ne sont pas respectés par le pouvoir ; il refusa de plaider devant le Parlement Maupeou. Treilhard suivit l’exemple de ses collègues, il avait alors vingt-neuf ans.

Remarquez cet âge, Messieurs. On peut sans regret faire à ses opinions le sacrifice d’une carrière quand on l’a déjà presque entièrement parcourue, quand elle vous a donné tout ce que l’on pouvait espérer d’elle ; lorsque, arrivé à ce moment de la vie où l’ambition ne vous réserve plus de nouvelles surprises, où peut-être les forces vont commencer à décliner, on a, pour compenser le sacrifice, la satisfaction de se retirer avec honneur et de couronner de longues années de travail par une retraite où l’on est certain d’emporter l’estime et le respect, même