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le charme de l’histoire

1360, après une violente tempête, les eaux de la mer se retirèrent de ses lagunes et ne revinrent plus. Les Bénédictins défrichèrent la contrée. Leur abbaye devint riche et puissante ; elle jouissait du droit d’asile : elle relevait directement du Saint-Siège. Trois ducs d’Aquitaine avaient voulu y être ensevelis. Ils reposaient à côté du terrible Geoffroy de Lusignan, dit « la Grand’ Dent n. Ce bandit féodal avait été la terreur de toute la région. Sur la fin de sa vie, il crut, par des aumônes que ses déprédations lui rendaient faciles, apaiser la colère du Dieu devant qui il allait paraître. Il apaisa du moins la colère des moines ; ceux-ci, indemnisés et indulgents, lui élevèrent un superbe monument dans l’église même qu’il avait maintes fois pillée. Rabelais vit ces tombeaux : il fut bénédictin à Maillezais, après avoir été cordelier à Fontenay-le-Comte. Ce fut là qu’il jeta définitivement son froc aux orties. Pendant les guerres de religion, l’abbaye s’entoura de retranchements pour se défendre contre les Huguenots. Le Béarnais la prit d’assaut et y enferma pendant quelques jours son concurrent Charles X, « le Roi des Ligueurs ». Puis il en nomma gouverneur Agrippa d’Aubigné, dont son petit-fils, le Roi-Soleil, devait, un siècle plus tard, épouser la petite fille. D’Aubigné y passa trente années dans la retraite, occupé à écrire des vers et de l’histoire et aussi à se tailler, dans ce pays reculé, une véritable