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dufort de cheverny

la misère, ceux qui sont restés dans la république éprouvent journellement des souffrances morales et physiques bien douloureuses » (II. 401).

Les réquisitions de tout genre, les contributions, les emprunts forcés, les dons patriotiques, les passages des gardes nationales, la banqueroute des rentes sur la ville, la saisie de la vaisselle, des voitures, des chevaux, des grains, des arbres, les dépenses imposées par sa captivité et par le service militaire de son second fils avaient épuisé Dufort ; tous les particuliers étaient d’ailleurs dans la même situation. Le Directoire, cependant, avait plus que jamais besoin d’argent ; il en chercha par des taxes arbitraires. Les notables se refusant à être commissaires pour taxer leurs voisins, on s’adressa à des gens qui ne refusèrent pas ; à Cour, on prit pour estimateur des fortunes un tourneur (II. 287). Chaque particulier fut tenu de produire l’état signé et détaillé de sa fortune, sous peine d’être imposé arbitrairement ; la délation et l’arbitraire étaient devenus la règle des finances comme de la politique. Dufort se décida à faire son bilan, et il s’aperçut avec stupeur qu’il avait perdu depuis la Révolution 1,600,000 livres de capital, soit 81,000 livres de revenus. Il ne lui restait que 23,000 livres de revenus bruts, grevés annuellement de 18,000 livres de dettes. Cette découverte lui causa une telle émotion qu’il en eut la jaunisse. Il vendit son