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dufort de cheverny

sent, déclament. Il prend le parti de renoncer à sortir. Il s’enferme au logis, moins libre qu’en prison et guère plus rassuré, car toutes ces manifestations auraient pu lui attirer encore quelque méchante affaire. Il rentre enfin à Cheverny au bout de quatre jours. Il y est reçu par un vieil ami qui était venu y chercher asile, et qui, en le revoyant sain et sauf après tant d’épreuves, tombe à ses pieds, frappé d’apoplexie.

Voilà Dufort libre, aimé de tous ceux qui l’entourent, estimé même des autorités révolutionnaires, qui voient en lui un homme paisible, toujours prêt à donner l’exemple de la soumission aux lois et à contribuer, dans la mesure de ses forces, à maintenir l’ordre et à rétablir la paix sociale. Va-t-il trouver le repos, à défaut du bonheur qu’il ne faut guère attendre sur la terre ?

Son premier soin est de compter, comme après une bataille, les morts et ce qu’on peut appeler les blessés de la Terreur. Auparavant, on ne pouvait s’écrire ; on n’avait de nouvelles de ses amis que par les journaux publiant les listes de la guillotine ; maintenant, « on peut circuler dans les rues et même voyager sans être insulté ». Dufort vient à Paris et cherche les siens. La veuve de Salaberry est restée neuf mois en prison. Une autre sœur de Mme  Dufort, Mlle  Legendre, a été forcée de se cacher pendant six mois ; elle avait eu 35,000 livres de