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un crime d’une action permise ; mais pour cela, il faut qu’il ait des Juges intègres et impartiaux. Ce qui ne fait que trop sentir la nécessité indispensable de la refonte de nos lois criminelles, et de la réforme de nos tribunaux.

Trois raisons majeures doivent faire proscrire nos Cours de Justice.

La première raison, c’est que des Juges qui instruisent un procès à huis clos peuvent à leur gré absoudre le coupable et condamner l’innocent.

La seconde raison, c’est que des Juges à vie se noircissent l’âme à la longue, par la vue continuelle des forfaits, et s’accoutument enfin à la cruauté, par le spectacle journalier des supplices, lors même qu’en débutant ils auraient un caractère doux et humain. Que sera-ce, s’ils sont d’un naturel dur ou léger ! Que sera-ce, s’ils ont acheté le pouvoir de disposer de la vie de leurs semblables ! Aussi les Parlements de France passent-ils, avec raison, pour des tribunaux de sang.

La troisième raison, c’est que des Juges par charge manquent des lumières nécessaires aux fonctions délicates de la Magistrature, et contractent nécessairement un esprit[1] de corps, si contraire à l’administration de la Jus-

  1. Alarmés de ce que la Nation a enfin ouvert les yeux, et humiliés de l’état d’abjection où ils sont tombés, les Parlements du royaume se livrent à la douleur. Celui de Paris surtout est dans la consternation : mais les têtes saines de la Compagnie (car elle en a encore, et beaucoup) ne se départent point des règles de la modération ; au lieu que les têtes chaudes s’abandonnent à la rage, et ne respirent que la vengeance. Fureur aveugle ! elle ne servira qu’à combler la lacune.

    Leurs coups sont trop principalement dirigés contre le Ministre actuel des Finances. On sait que deux conseillers frénétiques avaient formé le projet de le dénoncer à leur Corps ? Et pourquoi ? Pour avoir, par une dernière ressource (uniquement due à la confiance qu’inspire son intégrité), soutenu le crédit chancelant de l’administration, sauvé l’honneur du Monarque et retardé la ruine des sujets, la ruine de l’État. Cet odieux projet aurait excité l’indignation de tous les bons Français ; il a occasionné celle des ;