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instruire, ils nous ennuient et nous égarent, si même ils ne nous plongent dans un abîme d’erreurs, plus funestes cent fois que l’ignorance dont ils prétendent nous tirer. La preuve en est facile : mais il faut la développer.

Qui en doute ? Les sciences ne font des progrès que par les recherches de quelques hommes isolés, que le ciel daigne de temps en temps accorder à la terre, car la multitude de ceux qui s’en mêlent leur nuit bien plus qu’elle ne les sert : d’abord ils n’éclaircissent rien, puis ils embrouillent tout, ils confondent tout ; et quand on parviendrait à se mettre à couvert de leurs erreurs, le temps employé à lire leurs tristes productions n’est-il pas irrévocablement perdu pour l’étude de la nature ? À peine la vie entière suffirait-elle à la lecture des différentes collections académiques ; si toutefois l’ennui qu’elles inspirent laisse le courage de les parcourir. Après cela, qu’attendre de ces doctes sociétés, dont le nombre, en tout pays, paraît s’accroître chaque jour ?

Par quelle fatalité, cher Camille, n’en retire-t-on aucun des avantages qu’on semblait s’en promettre ? Tu le sais, il règne dans la culture des sciences un désordre trop peu senti, mais trop général pour ne pas s’opposer à leur avancement commun : celui d’être presque toujours cultivées séparément. Or, tant que le physicien, le chimiste, le mathématicien, l’astronome, le métaphysicien, l’anatomiste, etc., travailleront chacun de leur côté, les sciences ne feront jamais un corps de doctrine complet.

Sans doute rien ne leur ferait faire des progrès plus rapides que les efforts réunis d’un grand nombre de savants : mais faut-il beaucoup de sagacité pour sentir que des hommes aussi bornés que le sont ceux du vulgaire académique, presque tous circonscrits à un petit cercle d’idées, peu doués de l’esprit d’observation, méconnaissant l’art des expériences, et s’essayant sans cesse sur des sujets rebattus, ne peuvent rien pour l’avancement de nos connaissances. Au surplus, qu’on ne s’y trompe pas, il n’est de vraie réunion de lumières qu’entre hommes qui cultivent