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s’occupe fort peu des sciences, moins encore de la manière de les encourager : que de fats lettrés se bouffissent en parlant des emplois qu’ils occupent, dont le monarque n’entendit jamais le nom !

Eh ! qui ignore que les faveurs dont on comble ces intrigants, ont presque toujours leur source dans les petites passions d’un ministre sans pudeur, toujours prêt à les satisfaire aux dépens du trésor public. Nouveaux Arétins, on enchaîne quelquefois leur plume, ou on fait mouvoir leur langue, je le sais : mais combien doivent leur fortune au petit manège de leurs chastes moitiés[1] ? Si tu en voulais des exemples, je t’en citerais plus de quatre.

Enfin, il semble que le public, par ses sots préjugés, soit de moitié avec le gouvernement pour éteindre dans le cœur des académiciens jusqu’à l’envie de se distinguer. Et de fait, quel motif les porterait à consacrer leurs veilles au travail ? La gloire ? Elle n’est pas faite pour leurs petites âmes. — Le désir d’être considérés ? Mais peu leur importe de s’attirer la considération à titre de savants, s’ils en jouissent déjà à titre d’académiciens ; et s’ils obtiennent, par leur manège, des honneurs qui ne devraient être la récompense que des talents et du génie.

  1. Au nombre des pensions de Suart, il en est une de 8 000 livres attachée à la censure du Journal de Paris. Ne voilà-t-il pas 8 000 livres bien gagnées ?

    L’histoire porte que Laplace, ébloui des succès de Suart et de Marmontel, s’était épuisé en calculs pour en deviner la cause : lorsqu’on lui fit enfin remarquer qu’ils avaient l’un et l’autre de très jolies femmes ; recette dont il s’est empressé de faire usage. Si elle ne lui réussit pas, ce n’est pas faute d’envie de bien faire ; c’est que le bon temps est passé. (Note de Marat)