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Depuis longtemps le Ministre travaillait à effectuer cet horrible projet, par l’établissement d’une banque nationale, qui devait mettre en circulation des billets de différentes valeurs, jusqu’à ce qu’elle eût absorbé tout l’or du royaume. Il en présenta le plan à l’Assemblée nationale ; et, dans la crainte que de trop justes sujets de défiance ne le fissent rejeter, il engagea les membres du Comité des finances à le reproduire avec de légères modifications, presque au moment même où il avait engagé l’un des chefs de la maltôte[1] à en proposer un autre peu différent, dont il approuva les bases en feignant d’en critiquer les détails. Aucun de ces plans ne fut adopté : mais loin de perdre courage, il redoubla d’efforts, marcha plus ouvertement à son but, se tourna du côté de la caisse d’escompte, fit entrer les administrateurs dans ses vues, et eut recours à une suite d’opérations désastreuses qui enlèvent chaque jour l’argent échappé à l’avarice des capitalistes, et qui finiront par ne pas nous laisser un écu.

Tant que le crédit de la caisse se soutient, rien de si facile à un ministre des finances, que d’inonder le public de billets, d’absorber tout le numéraire, et de ruiner la nation. Mais quoique le crédit de la caisse soit tombé, le Ministre peut encore aller à son but, en donnant un cours forcé aux billets. Ce parti violent était laissé à M. Necker, et il l’a pris sans balancer.

Les sommes immenses que le gouvernement a puisées à différentes fois dans la caisse d’escompte, ont toujours été remplacées par du papier : Dieu sait avec quelle profusion ! La perte du crédit public ayant mis les administrateurs

    après le rappel de M. Necker au ministère : ce qui doit provenir de ce que les capitalistes l’ont enfoui. (Note de Marat)

  1. Le plan de M. de la Borde établissait des billets au-dessous d’un louis. S’il eût passé, on se mettrait aujourd’hui à genoux devant un écu. (Note de Marat) — Il s’agit de Laborde de Méréville, député à l’Assemblée constituante, qui proposa, le 5 décembre 1789, la conversion de la caisse d’escompte en une banque nationale.