du royaume : ce qui fut fait. À la manière dont s’y est pris le ministre adoré, on va voir s’il manque d’adresse.
D’abord il obligea les boulangers à se morfondre en allées et venues inutiles. Venaient-ils demander un ordre qui les autorisât à faire leurs provisions, il les renvoyait à l’intendant, l’intendant les requérait d’indiquer les marchés où ils voulaient se rendre ; s’ils refusaient, ils n’avaient point d’ordre ; s’ils consentaient, à leur arrivée, ils ne trouvaient plus de grains.
Quant aux marchands, l’artifice était encore plus recherché, mais non moins infaillible. Avant de partir pour les bléries[1], ils sont dans l’usage de convertir en rescriptions des fermes l’argent destiné à leurs achats, ils se rendent ensuite sur les lieux avec ces rescriptions, certains qu’elles seront acquittées a vue. Que fait le contrôleur-général pour assurer à ses agents le trafic exclusif des grains, et la liberté d’y mettre de prix ? Il prend le temps où les marchands ont coutume de faire leurs achats, donne ordre de suspendre pendant six semaines le payement des rescriptions, et les force ainsi de s’en retourner les mains vides.
Le chevalier Rutledge venait de soulever le voile. Les Leleu démasqués se mirent à clabauder, et leurs clameurs provoquèrent un arrêt du conseil ; arrêt sans date, sans signature, sans affiche, sans publication, qui supprime néanmoins, comme injurieux et diffamatoires, les mémoires des boulangers. En couvrant ainsi de sa protection ces ouvriers d’iniquité, M. Necker s’associait à leurs forfaits ; il fit plus, il chercha à les consoler du mépris public, par le témoignage de son estime particulière ; et il ne craignit pas de faire voir que ces accapareurs exerçaient leurs brigandages, et affamaient le peuple sous les auspices de l’administrateur des finances. C’est ici le lieu de dire un
- ↑ Ils nomment ainsi les marchés où ils vont faire leurs provisions. (Note de Marat)