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eux la division : il avait supposé une conspiration contre l’État, et la défection d’une compagnie entière de grenadiers de la garde soldée, il afficha le danger de les laisser seuls monter chez le roi : il insista sur la nécessité de leur opposer un plus grand nombre de citoyens sous le même costume, et il forma parmi les jeunes gens inconsidérés plusieurs compagnies de grenadiers, et, travaillant à leur inspirer un esprit de corps, il se les attacha par serment particulier, et les chargea de l’exécution de tous ses ordres dans les expéditions d’éclat. Ces innovations ayant alarmé les patriotes clairvoyants, il prétendit les rassurer en créant des compagnies de chasseurs, pour contrebalancer celles des grenadiers, remède qui n’avait que l’inconvénient de doubler le mal ! Jaloux de purger la garde soldée des sujets qui étaient peu dévoués à ses ordres, et qui tenaient conseil pour se faire rendre justice, il fit accuser ces soldats d’avoir trempé dans une conspiration chimérique, il les enveloppa, leur fit rendre les armes, les jeta dans les dépôts de Saint-Denis, où il les traita en apparence en criminels d’État ; et telle est la faveur dont il jouit auprès de l’aveugle multitude, qu’il pourrait tout[1] tenter impunément. Croira-t-on que cet homme si dangereux à la tête des troupes nationales a été nommé le libérateur de la France ? Comment imaginer qu’un courtisan rongé d’ambition puisse être patriote ? Comment imaginer qu’il ne se prêterait pas à toutes les vues du cabinet, et qu’il ne sacrifierait pas à son avancement particulier les intérêts de la nation, le bonheur public, le salut de la patrie ? Souvenez-vous de ma prédiction. Un jour, vous le verrez, ce zélé citoyen, bariolé de cordons, et avec le bâton de maréchal ; une fois suppôt du monarque, devenu plus puissant que

  1. On peut voir qu’il n’a pas négligé de profiter de cette funeste sécurité des Parisiens, puisqu’il a entrepris de former un parc d’artillerie, dans la vue seule d’enlever aux districts tous leurs canons. Si nous donnons dans ce piège perfide, nous serons de jolis messieurs. (Note de Marat)