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les idoles de la veille, et autant d’acharnement dans l’hostilité qu’auparavant dans la louange. C’est ainsi que les premières brochures de cette période, notamment l’Offrande à la Patrie et le Supplément de l’Offrande à la Patrie, contiennent les éloges les plus vibrants de Louis XVI et de Necker. Pour Marat, en 1789, les véritables ennemis de l’État, ce sont les ordres privilégiés, et non le Roi et le premier ministre. « Béni soit le meilleur des Rois ! » dit-il dans l’Offrande à la Patrie[1], après avoir fait des intentions de Louis XVI le tableau le plus séduisant. Et, si la publication des lettres de convocation des États-Généraux le frappe d’une première désillusion, les espérances qu’il a mises en Necker, pour être « un peu moins vives », n’en sont pas encore sensiblement ébranlées : « Il s’en faut de beaucoup, dit-il[2], qu’il soit le maître d’arranger les choses au gré de ses désirs, en butte, comme il l’est, à l’horrible conjuration du Clergé, de la Noblesse, des Parlements et de la Finance. D’ailleurs on lui doit beaucoup de reconnaissance pour la manière dont il remplit tous les devoirs de sa place, et, sans sa vigilance extrême, peut-être la famine aurait-elle désolé la capitale. » Mais, dès la fin de 1789, le charme s’est évanoui tout à fait. Necker ne représente plus à ses yeux qu’un conspirateur, un ouvrier de la misère publique, qu’il convient d’attaquer sans ménagement ni pitié.

  1. Voir plus loin, p. 21.
  2. Dans le Supplément de l’Offrande à la Patrie. V. plus loin, p. 53, note.