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La tentative faite le 8 octobre pour m’enlever, et les efforts des ennemis de la révolution pour soulever le peuple contre moi, alarmèrent mes amis ; ils jugèrent que je n’étais plus en sûreté dans Paris, ils m’arrachèrent de mes foyers, et me conduisirent à Versailles. J’y adressai mes plaintes à l’assemblée nationale[1] ; en vain son président entreprit-il de faire entendre mes trop justes réclamations ; sa voix fut étouffée par les clameurs de la faction aristocratique, par les nobles, les prélats, les robins, les juges royaux, les juristes, les praticiens, dont j’avais voulu purger le corps législatif, qui ne se fit aucun scrupule d’abandonner ses principes à mon égard, et de me livrer à mes lâches oppresseurs. Que la justice est un faible rempart contre la fureur des passions ! Réduit à gémir en secret, je faisais de tristes réflexions sur l’aveuglement des représentants du peuple, et la faiblesse de ces prétendus défenseurs de la liberté, lorsque j’appris que le premier ministre des finances était à la tête de mes persécuteurs. Je l’avais accusé d’être l’auteur des accaparements et de la disette qui désolait le royaume, l’artisan de nos malheurs et de nos calamités ; j’avais demandé sa tête criminelle ; il tremblait que la lumière ne perçât, il cherchait à m’accabler en secret ; mais joignant toujours l’astuce à la violence, il se présenta au district des Filles-saint-Thomas, et demanda qu’on lui fit parvenir les écrits qui l’inculpaient afin qu’il pût se justifier[2] ; tandis qu’il poussait la municipalité à m’ôter tous les moyens de le démasquer.

Dans mon entrevue avec le comte de Pernet, j’avais reconnu que le délit contre lequel il réclamait si amèrement était très réel ; mais il variait[3] sur le nom du délin-

  1. Requête de l’Ami du peuple à l’Assemblée Nationale, dans le no 95 de l’Ami du peuple ; réimprimée dans la Correspondance de Marat, pp. 118-119.
  2. V. plus haut, pp. 72-73.
  3. Le comte de Pernet est convenu depuis, et en présence de