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pour dire : « Je crois être le premier écrivain politique, et peut-être le seul en France depuis la révolution, qui ait proposé un dictateur, un tribun militaire, des triumvirs, comme le seul moyen d’écraser les traîtres et les conspirateurs… Mes opinions sur le triumvirat et le tribunat sont consignées dans des écrits signés de moi, imprimés et colportés publiquement depuis près de trois ans…[1] »

Est-ce à dire que, de 1774 à 1792, et même simplement de 1789 à 1792, il soit impossible de discerner, dans les écrits de Marat, des variations importantes ? Évidemment non. Si l’auteur des Chaînes de l’Esclavage est resté fidèle à certains principes, il n’en a pas moins modifié assez sensiblement quelques-unes de ses vues. Or, c’est précisément ici, beaucoup plus que dans l’Ami du Peuple, qu’il faut suivre cette évolution, parce qu’elle est plus explicite, plus claire, plus motivée. À vrai dire, ces transformations atteignent moins les idées que les hommes. Ce qui change, chez Marat, ce sont ses amitiés et ses haines, plutôt que ses conceptions. La marche des événements et les conditions dans lesquelles se développe la Révolution lui permettent de juger les hommes sous un nouveau jour, parce qu’ils sont aux prises avec des circonstances nouvelles. De là des revirements subits, des opinions successives et en apparence contradictoires, des attaques violentes contre

  1. Discours publié dans le Journal de la République française du 29 septembre 1792.