innombrable des pensionnaires du Prince ; ce refus d’exécuter rigoureusement les décrets sur la circulation et l’exportation des grains qui annonçait le dessein de se ménager les moyens de continuer l’accaparement des blés, et de réduire le peuple par la famine ; ces orgies des gardes-du-corps, pour porter le soldat à égorger ses concitoyens ; ces exécrations contre les députés fidèles de la nation, ces cocardes patriotiques foulées aux pieds, cet aveugle dévouement juré aux ordres monarchiques, cet oubli de dignité du roi, cet abandon des bienséances de la reine, ces apprêts sanguinaires des satellites royaux ; ce manque de munitions des milices nationales, qui les livre sans défense au feu de l’ennemi ; ce refus de marcher de leurs principaux officiers, pour gagner du temps, et laisser effectuer la fuite de la famille royale, qui aurait plongé la
mune et aux électeurs, non pour leur présenter l’hommage empressé de sa reconnaissance, mais pour leur demander la grâce de tous les proscrits et pour l’obtenir, que ne mit-il pas en œuvre ? Déjà il s’était concerté avec quelques-uns des chefs qui devaient y jouer une farce : des pleureuses l’avaient devancé dans la salle des représentants, elles le devancèrent encore dans celle des électeurs ; il arrive ; aux premiers applaudissements succède un profond silence, chacun retient son haleine ; mais l’orateur ne peut commencer, il parcourt des yeux la salle, et n’apercevant pas ses compères, il demande qu’on les fasse entrer ; enfin, il pérore, et s’efforce d’émouvoir, en demandant une amnistie générale ; des pleurs de commande roulent accompagnés de sanglots ; il achève, et va recueillir de nouveaux applaudissements à une croisée. Cependant le comte de Clermont-Tonnerre profite de la disposition des esprits pour crier grâce. Il s’agissait d’en rédiger l’acte ; il était tout fait dans la poche du comte, qui le glisse sous la main de l’un des secrétaires. À ce rôle de jongleurs qui supposait une liaison intime, une connivence étroite avec ces courtisans déliés, j’ajouterai un autre trait, qui dévoile ses liaisons criminelles avec les conjurés. Tout le monde a su la fuite du comte de Lally, de M. Mounier et de la princesse d’Hennin, etc., pour se soustraire au ressentiment du peuple. Ils ont été se réfugier en Suisse ; mais ce que tout le monde ne sait pas, c’est que M. Necker leur a donné un asile dans une de ses terres. (Note de Marat)