Page:Marat - Éloge de Montesquieu, éd. Brézetz, 1883.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
ÉLOGE DE MONTESQUIEU

Quant à celle du droit politique et du droit civil de chaque peuple, elles diffèrent avec la forme du gouvernement. Ce sont les forces particulières, qui font la force générale ; or les forces particulières ne peuvent se réunir, sans que les volontés se réunissent : ainsi tout pouvoir légitime tire sa source du consentement unanime des peuples. Mais la force générale de la nation peut être placée dans les mains d’un seul ou dans les mains de plusieurs : de cette différence vient celle du gouvernement.

Les loix doivent être propres aux peuples pour lesquels elles sont faites : elles doivent donc se rapporter à la nature et au principe du gouvernement établi ou à établir ; soit qu’elles le forment, comme font les loix politiques, soit qu’elles le maintiennent, comme font les loix civiles. Elles doivent aussi être relatives à la situation et à la grandeur de l’État, au climat du pays, à la qualité du sol, au genre de vie des habitans, à leur nombre, à leur caractère, à leur religion, à leurs mœurs, à leur commerce. Enfin elles ont des rapports entr’elles, elles en ont avec leur origine, avec l’objet du législateur, avec l’ordre des choses sur lesquelles elles statuent. Ce sont tous ces rapports qui forment ce qu’on appelle : l’Esprit des Loix.

On distingue trois formes de gouvernement : le Républicain, où le peuple a la souveraine puissance ; le Monarchique, où un seul gouverne par des loix immuables ; et le Despotique, où un seul commande d’après ses passions et ses caprices. Le Républicain se divise en aristocratie et en démocratie, selon que tout le peuple ou en partie seulement y est souverain. Ce n’est pas qu’aucun des gouvernemens de la terre soit exactement calqué sur quelqu’une de ces formes, car ils tiennent tous plus ou moins de l’une ou de l’autre. Ici la monarchie est combinée avec l’aristocratie. Là elle incline au despotisme. Mais ces formes sont les vrais modèles des gouvernemens, qui diffèrent