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la souple robustesse, ce corps allongé et musclé qu’Adrienne, dévêtue, considérait dans son miroir avec l’orgueil mêlé de regret des vierges qui se savent bien faites et n’ont jamais dévoilé leur nudité devant un mâle.

À côté de cette académie harmonieuse, d’une minceur racée — les clavicules un peu grêles, les côtes saillantes ; mais les beaux seins en coupes et les hanches évasées — que fût-il demeuré de la mièvrerie grassouillette, des petites jambes trop courtes, des épaules déjà trop charnues de Mistiche ?

Adrienne murmurait sans pudeur : « S’il pouvait me voir ainsi !… et la voir, elle, ensuite. »

Car, elle sentait combien sa situation la plaçait en état d’infériorité. M. Labrousse ne la rencontrait qu’au bureau ; elle était à ses yeux l’employée en robe noire dont les cheveux sont tirés sur les tempes, dont le teint semble fané après une journée de besognes ingrates. Il la regardait à peine, indifférent. Et puis, il allait rejoindre Mistiche et jouissait — sans approfondir son mérite — de cette superficielle beauté faite de chiffons, de teintures,