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vis-à-vis d’un mur bas qui cache un grand jardin.

Adrienne examina la demeure de l’actrice : à la vue des vérandas élégantes, du joli vestibule que décoraient des plantes vertes se reflétant dans les hautes glaces des panneaux, la jeune fille éprouva un étrange malaise : elle évoqua sa chambre d’hôtel qu’empestait l’odeur nauséabonde d’une cuisine voisine ; les corridors humides et l’entrée misérable de la maison… Sa jalousie d’amoureuse se compliqua d’un sentiment moins noble. Elle songea : « Je travaille pour lui ; je l’aime ; je le sers avec dévouement… et je ne suis rien de plus que l’employée besogneuse qui touche un salaire dérisoire… Alors, que cette fille, qui le trompe, jouit à la fois de son amour et de son luxe… Ce n’est pas juste. »

Mais réagissant vite contre sa défaillance, Adrienne rit d’elle-même :

— Ah ! çà, je tourne à l’anarchiste, ma parole !… Il ne manquerait plus que cela ! Je crois que le patron est en train de me faire perdre la tête.

Non sans hésitation, elle pénétra à l’intérieur de la maison, questionna la concierge :