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La jeune fille souriait, heureuse de l’éloge. Elle répondit avec feu :

— Je n’ai aucun mérite, monsieur… Je me plais ici : j’aime le bureau… Il dégage une impression apaisante et tranquille ; on s’y absorbe dans une besogne si intéressante ! J’y oublie mes propres soucis à force d’étudier les soucis des autres… J’ai même pris en affection les choses qui m’entourent : les fauteuils de moleskine et les rideaux de serge verte : ce sont des amis que je retrouve avec plaisir chaque matin, que je quitte à regret chaque soir… Voilà pourquoi je reste longtemps… J’aime le bureau, monsieur.

L’avocat souriait, d’un air de raillerie indulgente. Drôle de petite femme étrange et baroque, cette Adrienne Forestier !… Mais si travailleuse, si empressée… On pouvait lui pardonner ses bizarreries.

Il détourna les yeux, gêné par le regard ardent qu’Adrienne posait sur lui. Il songea : « Elle m’agace, par moment ! » Puis — s’occupant trop peu de sa dactylo pour analyser ce sentiment d’irritation — il se jugea nerveux et blâma son injustice.