Page:Marais - Trio d amour.pdf/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’un bonbon acidulé qui fond lentement dans la bouche en piquant agréablement la langue.

Sitôt le client parti, tous les employés se groupaient autour d’Arnaud, commentant l’aventure d’Adrienne Forestier, cette heureuse Adrienne qui, alors qu’ils l’avaient crue renvoyée par Robert dans un moment d’humeur, avait au contraire la chance de faire la conquête du patron. Et ils se remémoraient, avec cette abondance de détails insignifiants qui caractérise la minutie des sédentaires observateurs, les moindres incidents relatifs à la jeune fille, son zèle amoureux, sa faveur grandissante, ses sorties fréquentes, les fausses colères du patron contre elle — pour leur donner le change, sans doute…

Mlle Claire susurrait, d’une voix fielleuse :

— Vous rappelez-vous le jour où elle s’était tellement fardée…

La vieille fille eut tort d’attirer l’attention sur elle en se mêlant à la conversation.

C’était une de ces créatures anguleuses et pointues, dont les traits révèlent une sécheresse, une aigreur, une âpreté qui rebutent le physionomiste.