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gardait fixement le croupier qui retournait les cartes. Elle tripotait, d’une main énervée, le tas de billets en masse devant elle ; son gant de suède clair était terni au bout des doigts par ce frottement continu.

Robert éprouva une singulière impression à la contempler ainsi sans qu’elle soupçonnât sa présence, enfiévrée par une passion qu’il n’inspirait pas, lointaine, distante, reprise… Il remarquait plus volontiers cette beauté qui ne s’offrait plus. La délicatesse des traits d’Adrienne, ses grands yeux vifs, l’attitude gracieuse de sa tête penchée frappaient Robert : sans s’en rendre compte, il subissait le prestige du chiffon, ce libertin qui n’aimait à fourrager que des vraies dentelles, à ne respirer l’arome de la femme qu’à travers l’odeur factice des parfums rares. Rehaussée d’un luxe nouveau, Adrienne lui paraissait embellie, affinée, plus séduisante. Il appréciait en connaisseur cette chair plus blanche et plus lymphatique de la femme oisive amollie par une existence nonchalante ; ces cheveux plus brillants que lustraient de fréquents lavages suivis d’ondulations savantes.