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dans sa chair pour avoir le droit d’être jaloux ? Est-ce que la félonie d’une pensée rebelle à elle-même qui, sous vos yeux, malgré vous et malgré elle, subit la hantise d’une autre possession, ne vous fait pas autant souffrir ? Adrienne me trahit sans être coupable, parce qu’elle m’a donné sa personne sans me donner son cœur. Depuis que nous vivons ensemble, je la vois à toute minute lutter contre le mauvais souvenir, tressaillir, s’engourdir, rêver ; puis, se réveiller avec un sursaut brusque et des yeux vagues… Son âme se rejette en arrière, obéissant à une attraction inconsciente. Et je ne puis lui en vouloir !… Comprends-tu : il y a des moments où cela me soulagerait d’avoir un grief effectif contre elle, de lui adresser des reproches, de la quereller… Mais je suis juste. Elle ne m’a pas pris en traître : c’est moi qui l’ai prise avec ses chagrins, sa déraisonnable imagination, ses chers défauts que je chéris… Où puiserais-je la force de lui en vouloir ?… Seulement, je commençais à me décourager. Je recouvre un peu d’espoir en te revoyant.

Robert questionna d’un air interloqué :