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mal mon heure pour risquer cet aveu, alors que vous avez l’âme encore tout emplie de l’obsession d’un autre… Eh bien ! non, Adrienne… Mon geste semble bizarre ; au fond, il est logique… Ma chère petite amie, voulez-vous m’épouser ? Je connais votre esprit, votre cœur, toutes vos qualités charmantes… Je saurai vous consoler : Je vous prends, sans me dissimuler que vous aimez ailleurs : ne vous en étonnez pas… Voyez-vous, un vieillard qui décide de se marier doit avoir la sagesse de sa folie et ne demander à l’union que ce qu’elle peut lui donner. Il doit se faire pardonner son amour comme un autre se ferait pardonner ses torts… Un jeune époux s’impose et triomphe. Un vieux mari prie et désarme. Sa tendresse est toute d’indulgence et de bonté… Vous venez de me prouver, ma chère enfant, que votre jeunesse est capable d’aimer sincèrement un homme de mon âge… Mais c’est magnifique, cela ! Je n’en espérais pas tant. Il est vrai que cet homme n’est pas moi… Je reconnais que j’aurais dirigé votre préférence de mon côté s’il m’avait été accordé de régir le hasard… Tant pis. Tel quel, le résultat me suffit.