Page:Marais - Pour le bon motif.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marcel craignait de se laisser prendre à ce jeu. Il réfléchissait : « J’ai bien promis de marier cette enfant, — mais pas avec moi. Je connais déjà l’imbécile que je lui destine. Or, elle semble honnête. Une Parisienne de vingt-cinq ans, qui a cette figure-là et qui est restée pauvre, mérite en principe un brevet de vertu… Si elle me plaît trop, qu’adviendra-t-il ? Bah ! on ne sait jamais… »

Il était arrivé à destination. M. Tardivet habitait à l’angle du boulevard Denain. Devant la porte, Marcel d’Arlaud s’arrêta, incertain. On hésite toujours devant certaines portes. C’est l’hésitation de Pandore : elle aboutit régulièrement au geste qui déchaîne les sottises. Marcel s’engagea sous la voûte en songeant : « J’ai prévenu cette petite de ma visite : maintenant, il est trop tard pour reculer. » Et cette mauvaise excuse donnée à lui-même, il savoura la fièvre légère, l’agréable frisson à fleur de peau qui aiguillonnaient ses quarante-cinq ans : faire une bêtise qui n’est plus de votre âge, c’est rajeunir momentanément. Marcel ressentait une sorte d’inquiétude guillerette.