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Cette nécessité de devancer Gilberte actionna encore Suzanne qui s’habilla avec une prestesse rare. Avant de sortir, elle consulta sa montre :

— Sept heures… Bon : il doit être rentré chez lui.

Elle dégringola l’escalier, courut dans la rue jusqu’au métro. Elle prit sa place, suivit son chemin, se mêla à la foule des voyageurs, en exécutant tous ces gestes mécaniquement, machinalement, l’esprit ailleurs emporté par une sorte d’hallucination qui évoquait la scène imminente qu’elle allait provoquer.

Suzanne quitta le métro à la station de l’Étoile. Lorsqu’elle fut remontée, elle s’orienta un instant devant ce carrefour d’avenues obscures. Son cœur battait à se décrocher entre ses côtes, lui coupant la respiration ; elle se sentait la langue sèche et les tempes chaudes, émotionnée par la gravité de la démarche qu’elle voulait risquer.

Mais réagissant contre cette appréhension vague, la petite secoua son hésitation et dit fermement : « Allons ! »