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qui me sauve, c’est justement ce qui m’est pénible : cette affreuse responsabilité, cette perspective de jours noirs, ces difficultés sans issue, — et, au bout, la douleur suprême. Devant cet entassement de malheurs il se lève un instinct de lutte qui me pousse à résister, à faire en sorte qu’elle soit heureuse pour le temps qui lui reste à vivre. La vie est bien dure, mon cher ami, mais je crois que c’est son inclémence même qui nous apprend à savoir vivre. Depuis quelques jours, j’ai compris le sens du mot « devoir » et j’ai éprouvé des sentiments bien sincères chez une créature sans préjugés, sans religion et sans principes. Je ferai ce que je dois faire, parce que je sens qu’il faut que je le fasse, que ce ne serait pas bien de déserter, d’une manière ou d’une autre. Je sens que j’ai une morale ; et cette morale, c’est l’instinct, l’instinct bestial et naturel qui me l’inspire ; et non l’hypocrisie d’une doctrine apprise.

« Je crois que je pourrai être pour vous une amie utile dans l’avenir. Le peu d’années qui nous séparent ne mettent pas entre nous l’écart d’une génération ; et, pourtant, je suis assez votre aînée