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effet, que ce n’est pas uniquement la guerre qui me plonge dans l’état où je suis. J’ai toujours eu la manie de prévoir l’avenir : j’avais songé à me préparer une auréole qui compenserait ma jeunesse perdue. Et bien ! ce n’est pas vrai, c’est un faux calcul. La femme ne peut pas remplacer ça. Pour une femme, la seule existence enviable, c’est d’être jeune, belle, et de vivre ! Et j’ai vingt-huit ans ; j’ai usé mes belles années à travailler, comme peu de femmes travaillent, je vous l’assure. Moi j’ai un peu la nature de votre père : je ne sais que m’atteler à ma tâche, à mon devoir, du matin au soir ; sans être capable d’envisager un autre moyen de réussite qu’un labeur acharné : et ça vous fatigue rudement, ces vices-là.

« Vingt-huit ans : c’est seulement maintenant que je comprends certaines choses. Est-on bête quand on est de tempérament rêveur ! Vous pouvez compter combien il me reste d’années de jeunesse à passer. Or, je ne suis pas de celles qui ne savent pas vieillir, et, d’autre part, je ne veux pas vieillir. Ne vous étonnez pas de mon amertume ; je compte les morceaux de la « Peau