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provoquent chez toi des ruisseaux de pleurs. Mais tu accueilles stoïquement la nouvelle d’une catastrophe, d’un incendie, du massacre de nos soldats au Maroc, si on te l’apprend à l’instant où tu découvres que la nouvelle cuisinière possède une science remarquable du homard à l’américaine. Tu refuses de visiter un sanatorium de peur de défaillir d’apitoiement à l’aspect des tuberculeux décharnés ; mais lorsque tu trépignes de colère chez ton couturier pour une toilette inachevée, tu ne te demandes point si tes exigences vont augmenter la fatigue et hâter la phtisie de l’ouvrière qui veillera jusqu’au matin afin de terminer ta robe. Avec ça, tu aimes à paraître bonne ; tes amies t’ont surnommée la « bonne Marthe » comme on dit la « belle madame Une Telle » : tu as la coquetterie des sentiments charitables… Tu donneras cent sous au mendiant de Saint-Philippe-du-Roule en sortant de la messe de midi, mais tu passes sans broncher devant le malheureux qui a la bêtise de tendre la main dans une rue déserte où personne ne vous voit faire l’aumône… Je ne