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Massin, pour couper sa viande, évoque le père Gérard et la façon dont il tenait son couteau ; hier encore, il était installé à la table familiale, vis-à-vis de Claude ; son visage plein de santé s’avivait de rose aux pommettes ; il reprochait, comme d’habitude : « Tu ne manges pas, ma petite fille ! » Et elle répondait, avec impatience : ce souvenir lui est un remords énorme… Si on savait !… Il n’y a pas vingt-quatre heures qu’elle s’irritait de la sollicitude paternelle : et maintenant, son père, c’est ce cadavre qui attend là-bas la mise en bière, et qui ne lui parlera plus, jamais plus…

— Vous ne mangez pas, ma petite fille !

Claude sursaute : madame Lambert-Massin vient de l’interpeller. Mais la jeune fille ne voit pas sa cousine assise en face d’elle, à côté de sa mère, ni les deux gamines… L’odeur des mets, le bruit des assiettes lui rappellent d’autres déjeuners, dans la petite salle à manger de la rue Albouy ; et cette phrase malencontreuse de Marthe… La jeune fille se retient de crier de désespoir ; car, c’est la répétition des actes familiers de la vie