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de perdre quelqu’un qu’elle regrette énormément, sans rendre compte de l’influence que subit invariablement son esprit en présence de témoins, et elle soupire :

— Ce pauvre Victor !

C’est à cet instant propice que madame Halberger explique enfin le motif de sa démarche : l’accident est arrivé, rapide, imprévu et brutal ; Gérard était cardiaque ; L’usage répété du hautbois aggravait son état : une rupture d’anévrisme l’a tué en pleine force, à quarante-six ans. Il laisse une fille de vingt et un ans ; une pauvre gamine qui, vivant toujours en tête à tête avec son père, sans distractions, sans amies de son âge, éprouvait pour lui cette tendresse passionnée que décuple la solitude à deux. Ce matin — lorsque, prévenue par la bonne de Gérard, elle est accourue avec son mari, — madame Halberger s’est effrayée en constatant la douleur hébétée, la dépression extrême de la petite Claude Gérard ; elle craint qu’il ne soit dangereux que la jeune fille reste livrée à elle-même dans un pareil moment. Elle achève :